Les Orthoplasties
Le pédicure podologue dans ses possibilités de prise en charge possède beaucoup d’outils pour améliorer le confort de son patient, optimiser le bénéfice patient des soins de pédicurie. Les orthoplasties sont l’outil essentiel pour limiter la récidive des hyperkératoses, apporter une correction ou au moins une incitation de correction des malpositions d’orteils.
Ces petits appareillages nécessitent des connaissances de base sur les matériaux utilisés, sur les différentes techniques de moulage mais aussi sur leur façonnage et sur leur suivi.
Matériaux et matériel :
Les élastomères :
Sur le marché, il nous est principalement proposé des pâtes de silicones polyaddition (une pate base et une catalyseur à mélange égal, en part 1 pour 1) qui garantissent une catalyse rapide et des propriétés mécaniques fiables à chaque mélange (dureté shore/élasticité).
Il faut éviter les silicones de condensation (pate base et catalyseur liquide) pour lesquels il est délicat de doser le catalyseur et d’obtenir un mélange homogène pour garantir les propriétés mécaniques.
Sans compter l’aspect toxicité possible de ces produits, les silicones polyaddition ont un catalyseur à base de sels de platine, pas ou peu toxique pouvant obtenir une validation pour usage alimentaire, les silicones de condensation ont un catalyseur à base de sels d’étain et dont la réaction peut libérer des molécules irritantes pour la peau (dilaurate de dibutyl-étain)
Les élastomères se caractérisent par leur shore, qui va lui-même conditionner le type d’appareillage à réaliser et son temps imparti pour le réaliser, mais sera un paramètre à connaitre pour un éventuel façonnage post moulage :
Plus le shore est bas, plus le temps de catalyse est long ! et inversement, c’est-à-dire qu’un shore 20 à 20°c mettra environ 3 à 4 min à catalyser, un shore de 45 dans les mêmes conditions mettra 1 à 2min.
Plus le shore est haut, plus l’effet sera correctif mais nécessitera un protocole de moulage puis de façonnage maitrisé pour garantir le capteur plantaire ! à l’inverse, un shore ultra bas autorisera un peu plus de liberté. On choisira plus facilement un shore 5 ou 10 pour une orthoplastie de décharge et un shore de 45 pour un effet correctif.
Pour le façonnage, la résistance mécanique sera la clé pour une finition de qualité : un shore 45 sera très facile à poncer pour rendre une orthoplastie uniforme, en dessous de 20shore le ponçage sera plus laborieux et le résultat sera moins uniforme/plus pelucheux.
Le matériel :
Il dépendra principalement de la technique utilisée pour le moulage
Un principe de base sera de ne pas polluer ses pots à orthoplastie en prélevant avec la même main dans chaque pot. Certains fournisseurs joignent des cuillères colorées pour éviter cette erreur, il ne faudra pas oublier de les nettoyer après chaque utilisation ou se rappeler quelle couleur était associée à chaque pot. Moins écologique, pour ma part j’utilise des abaisse-langues pour enfant qui restent dans le pot le temps de la consultation puis sont jetés à la fin.
Ce qui sera commun :
Du micropore satiné et uniquement celui-ci ! Tissu de base polyester, il est le seul où le silicone ne viendra pas se mouler dedans. Rien de pire qu’une orthoplastie qui se déchire au retrait post moulage, ou de devoir déjà réparer un appareillage avant même son façonnage et son port.
Du film alimentaire résistant : selon les techniques, il sera utilisé pour lisser sans altérer la possibilité de faire des rajouts, au contraire de l’application de solution mousseuse type mercryl. Il sera même nécessaire pour protéger le moulage quand le protocole nécessitera une phase dans la chaussure.
Des bas voiles : pour faciliter l’enfilage de la chaussure pour les phases de moulages dans la chaussure et éviter que des chaussettes trop épaisses et/ou trop fantaisies marquent ou fassent fuir la matière.
Technique injectée : Nécessitera des seringues spécifiques à la techniques vendues chez nos fournisseurs. Les seringues « classiques » n’offrent pas la même facilité d’utilisation (résistance du piston, prise en main, volume …)
Technique dynamique chaussée : C’est celle qui demandera le moins de matériel ! Eventuellement du micropore satiné pour posturer un orteil, du film alimentaire résistant pour protéger et éventuellement un bas voile pour faciliter l’enfilage dans la chaussure du patient.
Technique tramée : Du micropore satiné pour posturer les orteils. De la trame ultrafine élastique (chez nos fournisseurs). Un rouleau suffisamment large pour ne pas gêner pour l’étalage du silicone Du film alimentaire et un bas voile.
Prise en charge par orthoplasties
Objectif thérapeutique
Il sera le préalable à n’importe quelle prise en charge.
Faire comprendre la physio-pathologie des dysmorphoses à son patient
Faire comprendre l’influence des choix de chaussures, de l’impact d’un déséquilibre du pied en soi et du système musculosquelettique au-dessus de la cheville
Faire comprendre le mode d’action (correction/protection) et le bénéfice atteignable
Il passe par un examen clinque qui doit répondre à où ? quand ? comment ?
Les orthoplasties auront une action principale sur les douleurs dorsolatérales, toute douleur plantaire associée nécessitera la prise en charge Adhoc.
Si ces douleurs sont occasionnées pendant le port de chaussures, l’orthoplastie sera l’appareillage adéquat. Si les douleurs sont majorées au repos et au retrait des chaussures, les contentions « nocturnes » seront plus appropriées (prioritairement ou secondairement)
Si les douleurs ne sont associées qu’à certaines chaussures ou certaines activités, il faudra absolument investiguer. Une orthoplastie aura un effet moindre si on n’apporte aucune modification à un environnement néfaste (chaussure trop étroite et/ou rigide, geste répétitif ou sportif spécifique)
Examen clinique
Comment objectiver les douleurs dorsolatérales ?
Toute plainte de patient ne s’associe pas à une expression douloureuse, articulaire ou ligamentaire, mais plutôt à une gêne esthétique.
Pour le patient comme pour le praticien, il faut tester cette zone car la nociception peut être consciente ou inconsciente.
Outils:
Visuel : les zones nociceptives sont souvent rosées/rouges sans expression douloureuse associé
Mesure des amplitudes par photo : applications sur téléphone type angle measure
l’EVA (échelle visuelle analogique) : le patient note sa douleur
le monofilament : les zones nociceptives ont une perception du tact fin altéré
le stimulus de frottement : le praticien ferme le poing et avec ses phalanges vient frotter sur les zones conflictuelles (souvent zones rougies par contrainte de la chaussure)
Le questionnaire foot and ankle ability measure/index de fonction du pied
examen du pied et de l’appareil locomoteur :
évaluation du degré de réductibilité de la dysmorphose
essentiel pour connaitre l’amplitude de correction atteignable. La mobilisation se fait en charge et en décharge. En effet, les tensions ligamentaires ne sont pas les mêmes en charge et parfois un orteil devient complètement irréductible. De même qu’il faut estimer dans certains cas le degré de spasticité ou les réflexes archaïques qui pourrait compliquer le moulage.
pour le moulage la correction de la dysmorphose se fera dans les 30/50% de ce qui est obtenu en mobilisation
Examen du pied, de la cheville et de l’appareil locomoteur :
Selon les tests habituellement réalisés en examen clinique pour des semelles, on pourra aussi les réaliser ici. Toujours pour objectiver l’impact des dysmorphoses sur l’équilibre du patient et pour le suivi.
exemple de test : Foot posture index, test appui unipodal, posturo dynamique, rotation de tête …
Techniques :
Moulage en décharge :
Technique pas ou peu pertinente car ne tient pas compte des tensions musculosquelettiques mise en jeu par la station debout. On aura un appareillage peu adapté pas toujours bien supporté par le patient. Nécessite des shores bas (20 et moins) pour garantir un minimum de réussite.
Intéressant pour réaliser rapidement un élément de décharge interdigital post soin mais guère plus.
Moulage injecté :
Patient debout sur le podoscope
Mise en place selon l’examen clinique de micropore satiné pour créer un effet de correction ou aider à l’écartement des orteils pour l’injection du mélange de silicone. Si la dysmorphose s’associe à une hyperkératose, on pourra augmenter l’effet de décharge en plaçant une cale arrondie en regard (cale en EVA type recouvrement 2mm). Il faudra parfois placer une cale sous le talon du patient pour reproduire l’effet du talon de la chaussure.
La praticien mélange son silicone polyaddition à parts égales et rapidement le met en place dans la seringue puis vient appliquer son mélange sous, entre et/ou sur les orteils selon l’appareillage à réaliser.
Une fois le mélange appliqué, le praticien viendra lisser la partie supérieure/dorsale de l’appareillage avec du film alimentaire et n’aura plus qu’à attendre la fin de la catalyse.
Technique idéale pour les kératoses et cors pulpaires, les cors interdigitaux …
Moulage en dynamique chaussée :
Patient au fauteuil
La praticien placera au besoin du micropore satiné pour posturer les orteils, puis applique son mélange de silicone. Il protège le tout avec du film alimentaire, une chaussette et fait marcher le patient dans sa chaussure.
Dans cette technique, c’est le patient et sa chaussure qui travaillent pour le podologue !
Le patient gardera sa chaussure jusqu’à la fin de la catalyse.
Le praticien récupère l’orthoplastie après 4/5 min de catalyse pour le façonnage final en atelier.
Technique préférentielle pour les décharges de cors sous unguéaux/retronychie, les dysmorphoses pas ou peu réductible
Moulage tramé ultra fin :
Patient au fauteuil
Mise en place des corrections avec le micropore satiné
Patronage de l’appareillage avec la trame ultrafine élastique selon l’appareillage à réaliser
Mélange du silicone, à réserver en 2 parties. Le praticien étale sur son plan de travail la première partie, y dépose son patron de trame puis vient étaler la deuxième partie du mélange sur la trame.
La trame enduite est appliquée sur le pied du patient et le praticien vient lisser avec le film alimentaire les sutures de l’appareillage. Il faudra parfois faire des rajouts plantaires et en accroche pulpaires pour stabiliser le futur appareillage.
Cette première partie d’appareillage reste sur le pied et doit atteindre son temps de catalyse complet (2/3 min)
La deuxième étape consiste à réaliser la butée de décharge en dynamique chaussée. Le praticien réalise un deuxième mélange de pate et vient l’appliquer sur la première partie d’appareillage selon la zone à décharger. Il protège le tout avec le film alimentaire, enfile un bas sur le pied du patient et lui fait faire un aller-retour dans le cabinet. De retour au fauteuil, le patient garde sa chaussure jusque catalyse complète
Le praticien récupère l’appareillage, réalise les premières découpes selon le besoin (plaque unguéale, limite post de l’appareillage) pour passer ensuite au façonnage
Pertinent pour la plupart des dysmorphoses, respect du capteur plantaire par un appareillage fin et une butée adéquate (par son placement et son épaisseur en la réalisant en dynamique chaussée)
Façonnage :
Les orthoplasties ne peuvent pas être rendues brutes de moulage dans les techniques évoquées plus haut.
Il faudra attendre 24h la catalyse à cœur pour pouvoir passer en atelier au ponçage.
Le ponçage commencera toujours par l’extérieur en évitant de poncer notre zone de butée/décharge. On cherchera à obtenir un ponçage homogène et un appareillage souple sans perdre l’effet de décharge/correction voulu
S’il y a eu rajout/suture, on poncera toujours de celui-ci vers le corps de l’appareillage pour éviter d’arracher le rajout.
Le ponçage intérieur se fera à minima, le but est d’éliminer les crêtes et les arrêtes potentiellement gênantes (pli de peau, passage du micropore …) mais un ponçage excessif fera perdre la congruence avec le volume de l’orteil. Cette perte d’ajustement entraine généralement une orthoplastie qui tourne lors du port
Vernis :
Il est optionnel et est le plus pertinent pour la technique des orthoplasties ultrafines tramées.
Il s’applique à l’extérieur uniquement et apporte longévité, gainage, hygiène. Le vernis silicone étant plus résistant que le silicone utilisé pour le moulage, il limitera l’usure de la partie extérieure. Moins souple il donnera un peu de tenue à l’orthoplastie sans altérer le shore de celle-ci. Cette couche de vernis facilitera le lavage et l’entretien de l’orthoplastie.
Ma préférence va au vernis CAF 3 où la principale attention sera sur sa date de péremption. Classiquement il catalyse en 24h mais au-delà de sa date d’utilisation optimale, la catalyse n’est plus garantie. Pour faciliter son application homogène, on peut utiliser de l’huile de silicone pour lisser le vernis.
Les fournisseurs proposent d’autres vernis, notamment un utilisé par les audio-prothésistes. Ils ont un séchage plus rapide mais présentent une toxicité notable (acrylate de méthyle, nocif cutané, voix aérienne)
Bibliographie :
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